Le sous-marin de NDSM quitte les eaux

Il sera question ici de sous-marin (encore me direz-vous ?), d’URSS, de sidérurgie, de crise, de bassin public, d’une photographe française rencontrée au beau hasard des nimbes de la toile, d’un compositeur néerlandais qui ne craint pas l’eau trouble et de classe Zulu.

– Mais elle perd la tête la pépette ?! Elle s’emmêle les plumes dans ses projets désaccordés et plutôt mal orientés ? Peut être bien, oui.
J’dirais surtout qu’elle profite de ses derniers moments de liberté pour écrire misschien à tort et à travers, parce que de loin, à l’endroit, à l’envers quand le Nord est perdu et qu’il n’y a plus rien à faire – c’est encore ce qu’elle préfère.

Alors A’dam et ses sous-marins – voilà notre ordre du jour. Du moins son sous-marin, celui qui reste, le dernier :

 

Si comme moi vous aimez fréquenter les anciens docks d’NDSM vous l’avez forcément croisé : il est vieux, tout rouillé et couvert de d’écumes graffées, colorées.
Il est désormais tenu de quitter les lieux eaux par la municipalité pour des questions de sécurité, après plus de 16 ans d’amarre plutôt sauvage dans le quartier. L’actuel propriétaire belge Marintec n’a pas encore commenté la nouvelle, mais il parait qu’il serait confronté à de nombreuses difficultés pour le faire remorquer.

Mais comment est-il arrivé là ?

C’est une triste fin pour ce gros bout de ferraille qui a sillonné les eaux néerlandaises depuis 1991. Il nous est arrivé tout droit de Riga, en Lettonie, où il voit le jour en 1956 au sein de la flotte russe – enfin, soviétique du coup. Après plus de 30 ans de bons et loyaux services sous-marins, il est décrété hors-service à la fin de la Guerre Froide (1991).

Deux entrepreneur néerlandais de Den Helder le prennent sous leurs ailes et le ramènent aux Pays-Bas. Ils déchantent rapidement…

Parenthèse : différentes classes de sous-marins

Si comme moi vous êtes néophytes en la matière, laissez moi vous faire un petit récap’ :
Le sous-marin noir d’NDSM est vendu comme un  »Foxtrot » : La classe Foxtrot est le code OTAN pour une classe de sous-marins soviétiques à propulsion diesel-électrique. Ils étaient en mesure d’opérer sans interruption à grande profondeur durant 4 jours et pouvaient embarquer 22 torpilles : 18 à l’avant et 4 à l’arrière.

OR… Revenus dans le plat pays les deux hommes d’affaires réalisent qu’il s’agit bel et bien d’un sous-marin de classe Zulu, soit une version antérieure.

Ils s’en débarrassent donc pour la modeste somme de 56.000€.
(On est toujours en droit de se demander : Que diable allaient-ils faire dans cette galère auraient-ils fait d’un sous-marin ?)

De bras en bras

S’en suit une longue crise d’appartenance pour le malheureux vaisseau : l’architecte Michael Nijdam le rachète et le ramène sur NDSM avec le projet un peu fou d’en faire un lieu d’exposition et une chambre de présentation pour les entreprises. Mis à part une réunion de travail de l’équipe Heineken et un défilé de mode (Ubbink), le pauvre sous-marin en fin de vie n’attire ni foule ni contrats.

En accord avec la municipalité du quartier, Nijdam le  »lègue » pour 10.000€ à la fondation des Bateaux Historiques de KNSM-Eiland Amsterdam. Sensé devenir une pièce d’exposition majeure du quartier maritime, le majestueux Foxtrot est resté plus d’une décennie réduit à une belle attraction rouillée.

En 2009, un investisseur turc le rachète (au grand dam de Michael Nijdam qui se considère complètement floué dans toute cette opération), mais encore une fois le sous-marin ne portera pas chance à son propriétaire ! Le Foxtrot doit partir pour aller se faire démolir, mais les autorisations trainent car les conditions de navigation sont drastiques et le vieux vaisseau ne respecte aucunement les normes européennes.
La procédure dure tant et si bien que la crise économique passe par là, et les prix de vente de l’acier chutent (de 332 euros la tonne à 78 euros – au mois de juillet 2008) ! Les chantiers Marintec le rachètent, encore une fois au rabais. Et se retrouvent aujourd’hui contraints à plier bagages et quitter les eaux territoriales de la ville.

Le songe d’une nuit d’été

Retraite peu glorieuse pour le vieux maitre ? Ce serait une conclusion un peu trop hâtive…
En juillet 2005 le Festival Over Het IJ & le compositeur Merlijn Twaalfhoven lui offre une sacré heure de gloire avec le spectacle de théâtre Kursk, dont de nombreuses archives sont accessibles en ligne.



A theatrical experience in an old genuine Soviet Submarine, 25 actors and 10 musicians.
The audience went through a psychological intake, had to change clothes and entered the submarine one by one. They encountered the young men that were captivated in the depth of the Barentszsea, locked up in the sunken Kursk – waiting for the air to run out…

 

 

Avant qu’il ne disparaisse complètement de notre paysage, j’ai pensé que ce vieux monsieur méritait un dernier hommage. Et si vous ne l’avez encore jamais croisé, prenez de ce pas le ferry direction NDSM Werf !
Sources :
– https://www.parool.nl/amsterdam/onderzeeer-foxtrot-moet-nu-echt-weg-bij-ndsm-werf~a4508042/
– http://www.napnieuws.nl/2009/02/13/einde-verhaal-voor-schimmige-onderzeeer/